La toile d’araignée, une innovation pour le traitement des hernies
II. L'Araignée et sa soie
1. L'araignée
L’araignée est en fait un arthropode invertébré appartenant à la classe des arachnides. Contrairement à la pensée populaire, une araignée n’est pas un insecte. Elle s’en distingue grâce au nombre de pattes (six chez les insectes
et huit chez les araignées), elles n’ont ni ailes ni antennes et leur corps est divisé en deux parties.
En fait, ces deux parties sont: (Voir sur le dessin au-dessous)
-Le prosoma connu comme le céphalothorax puisqu’il réuni la tête et le thorax.
-L’opithosoma parfois appelé abdomen.

Dessin sur la morphologie externe d’une araignée
Les quatre paires de pattes qu’elles possèdent n'appartiennent à aucune des deux parties du corps mais sont comptées à part. Toutes les pattes sont attachées au prosoma et chacune est divisée en sept.
Elles ont des poils minuscules aux extrémités des pattes permettant à l’araignée de s’accrocher à sa toile. En plus, elles ont deux autres types de poils qui ont un rôle de capteurs sensoriels :
-Les chimiorécepteurs : qui comme son nom l’indique donnent à l’araignée des données sur les natures chimiques lui permettant de changer les propriétés des fils.
-Les mécanorécepteurs : qui lui indiquent la présence d’obstacles à éviter ou les vibrations sur la toile.
Cependant, la partie qui nous intéresse le plus est l’opithosoma puisque c’est ici que se produit la soie d’araignée. En fait, la soie est crée à partir des filières qui sont des appendices d’où elle sort. Normalement, une araignée en possède six. La soie sort par les fusules qui se trouvent aux extrémités des filières. Alors, l’araignée utilisant ses pattes cadre les fibrilles pour former un fils plus épais.
Comme on s’imagine déjà les toiles d’araignées sont indispensables pour la survie de la plupart des espèces d’araignées. Mais sur les 42 000 espèces enregistrées d’araignées quelques unes ne construisent pas de toile mais elles sont peu nombreuses. Cependant toutes produisent de la soie.
Il existe mille et une toiles différentes, elles sont construites pour nourrir l’araignée en lui permettant la chasse de proies de différentes tailles. L’araignée varie le diamètre de sa toile par rapport aux animaux ou insectes qu’elle veut attraper. La plus grande peut arriver à mesurer 2m de diamètre et sert à attraper des oiseaux ou des chauve-souris.

Photo illustrant la création de soie d’araignée.
La toile permet aussi à l’araignée de se reproduire, de se protéger et comme un nid. Chaque araignée tisse une toile par jour, parfois même deux. Puisque après certain temps, la toile est recouverte de poussière et elle n'est donc plus visible ce qui fait qu’elle soit plus facile à détecter par les proies. En plus, cette couche supplémentaire de poussière fait que la toile ne se colle plus au corps des proies.
Mais, rien ne se perd. Lorsque l’araignée va commencer à tisser une nouvelle toile, elle fait une boule de la vieille et l’avale. En moins d’une heure, celle-ci est digérée. Ce processus est appelé le recyclage de la toile.
2. Caractéristiques de la soie
Les propriétés de la soie d’araignée dépendent de différents facteurs: de l’espèce de l’araignée, de l’environnement où elle se trouve et aussi du régime alimentaire de l’araignée puisque une araignée mieux nourrie peut produire des fils de meilleure transmission vibratoire et moins dégradables.
Cependant, une toile est constituée par différent types de fils qui varient dans une gamme de solidité, adhésion et élasticité. Les plus solides assurent le structure du cadre et la stabilité ainsi que la longévité de la toile pendant que les plus fins sont plus sensibles aux vibrations pour prévenir l’arrivée d’une proie mais sont toujours très résistants pour pouvoir supporter les mouvements rapides de l’araignée et de la proie.
Il faut remarquer qu’un fil de toile d’araignée a comme diamètre entre 5 et 11 µm dépendent de l’espèce (référence: un cheveu humain a un diamètre en moyenne de 80 µm). Il est composé de nombreuses fibrilles de 0,05 µm et le fils est très léger. Pour le tester on peut souffler à un mètre d’une toile et on observera quand même un mouvement.
Fritz Vollrath, un chercheur du le Département de zoologie de l’Université d’Oxford, le confirme : « la soie est si légère qu’un fils pour faire le tour de la Terre ne pèserait que 420g »

Photographie d'une toile
Quelles sont les propriétés de la soie qui font d’elle un matériel si intéressant ?
En premier lieu, l’élasticité de la soie d’araignée est impressionnante en comparaison à d’autres matériaux. Un fil lors qu’il est sec peut être étiré jusqu’à environ 35% de sa taille originelle. La soie est alors entre 1,5 à 2 fois plus élastique que le nylon qui arrive à 18% seulement et qui est un des matériaux utilisés pour les filets chirurgicaux, ce qui permettrait une meilleure adaptation aux mouvements corporelles lors des replacements ce qui est très intéressant.
Mais cette élasticité est le résultat du phénomène de supercontraction. Lorsque un fils de soie d’araignée se trouve dans un milieu où l’humidité est importante, ses fibres se raccourcissent de moitié et doublent de diamètre. De plus, des petites gouttes de soie se forment tout au long de la fibre et lorsqu’ une contrainte est appliquée sur le fils, les fillettes de soie qui se trouvent dans les gouttes se déroulent permettant au fils de s’étendre.
En plus, le fils d’araignée possède un haut coefficient d’absorption des oscillations, c’est-à-dire qu’elle ne tourne pas sur elle-même cherchant un balance, indépendant de la résistance de l’air. On appelle cette propriété la non-torsion.
La soie est élastique comme vue précédemment mais est aussi réversible. La toile d’araignée est le seul matériel résistant et souple qui retrouve sa forme initiale de manière naturelle, sans avoir besoin d’aucune intervention. Quelque soit la torsion acquise, le fils reviendra à sa position initiale. On appelle cette caractéristique l’auto-mémoire de forme, et aucun matériel ne peut le faire sauf celui-ci. Certains métaux ont une mémoire de forme mais elle doit être déclenchée par la chaleur.
D’autre part, on croirait que, comme la soie d’araignée est composée de protéines (ce qui sera vu plus précisément dans la prochaine sous-partie), elle pourrait être facilement décomposée par des champignons ou des bactéries. Cependant, elle est imputrescible puisque elle est composée de trois substances qui lui procurent des propriétés antiseptiques : la pyridine qu’absorbe l’eau et permet à la soie de rester humide, l’hydrogène phosphate de potassium qui est un acide qui empêche la croissance bactérienne et le nitrate de potassium qui permet aux protéines de ne pas se modifier en milieu acide.
Les fils de soie d’araignée contiennent aussi une propriété qui se ressemble au principe du velcro ce qui permet l’adhésion des insectes ou animaux à la toile. Cette caractéristique est utile pour l’emploi dans le traitement des hernies.
Finalement, la toile est aussi résistante, ce qui est étonnant puisque comme on a déjà vu, elle est à la fois élastique. Cela est la conséquence de ces constituants qu’on étudiera à fond dans la prochaine partie.
3. Approfondissement sur l'élasticité et la résistance
Le plus remarquable chez la soie d’araignée est la combinaison de résistance et élasticité qui est rare dans la Nature. Elle ne pourrait pas supporter le poids de plusieurs éléphants comme dit la chanson pour enfants mais elle est pourtant très résistante. Ce matériel est 5 fois plus résistant que l’acier et 2 fois plus que les fibres synthétiques de même diamètre utilisées pour le traitement actuel des hernies. La soie résiste jusqu'à 1,8 N/m^2. En plus, il peut être étiré jusqu’au 35% sans rupture.
Nous avons réalisé une expérience pour confirmer les impressionnants données sur la résistance de cette soie. Le matériel que nous avons utilisé était : des pinces crocodiles, une potence, différents poids, une règle millimétrée et bien sûre de la toile d’araignée.
Notre échantillon de toile d’araignée faisait environ 5,1 cm (comme vous pouvez avoir dans la galerie de photographies.) et avait un diamètre de 4 mm. Après avoir réalisé l’expérience, nous avons détecté un défaut dans notre montage, puisque nous avons accroché les poids à un fils de nylon pendant que cette expérience nous permettrait d’illustrer la résistance du matériel qui est dite plus important que celle des fibres synthétiques. Cliquez dessus pour voir en grand.

Comme vous voyez, il mesure environ 4mm.

L'échantillon est clairement de la soie d'araignée et il mesure 5,1 cm de largueur.

Tenez en compte que les 3,21 g correspondent à la masse de la partie basse du montage

Comme vous voyez, il mesure environ 4mm.
Nous avons rapporté nos résultats au tableau au dessus que vous pouvez agrandir en cliquant sur les photos. Nous avons alors trouvé que la masse maximale résistée se trouve quelque part entre 303,21g et 403,21g, ce qui est beaucoup pour le diamètre correspondant.
Mais qu'est ce qui fait que cette soie aie ces propriétés ?
Premièrement il faut remarquer que les fils de la toile sont plus réguliers que ceux de la soie de vers mais ne sont pas homogènes. En fait, ils sont constitués de macromolécules qui sont mieux alignés. Certaines d’entre elles sont d’ordre structural, c’est à dire qu’elles définissent l’organisation cellulaire du matériel, d’autres sont d’ordre informationnel (gardent la mémoire génétique) ou catalytique (qui régule le métabolisme cellulaire). Ces macromolécules sont les constituants des protéines.
On sait que les protéines ont été codés par des acides nucléiques (ADN et ARN) et sont constitués par des acides aminés comme l’alanine qui sont reliés par des liaisons peptidiques.
Les liaisons peptidiques sont le regroupement d’un groupement carboxyle (–COOH) et d’un groupement amine (-NH2) par l’élimination d’une molécule d’eau (H2O)

Formule développée de la création d’une liaison peptidique

Schéma illustrant les différentes structures protéiniques
Lors de cet arrangement spatial apparaît l’attraction de type électrostatique qui donne trois différentes structures à la combinaison d’acides aminés. Il faut remarquer que la diversité d’acides aminés avec des charges variant à cause de leurs pH est aussi un des facteurs pour la création des différentes structures.
Ces trois structures sont (Voir aussi sur le schéma):
-En hélice
-En feuillets qui sont caractérisés par des longues chaînes polypeptidiques qui se replient parallèlement de côte à côte
-Pas de structure particulière où on distingue la configuration fibreuse qui forme des protéines allongées et insolubles de fonction structurale.
Passons ainsi à étudier la soie plus précisément.
Pour notre première expérience on a voulu démontrer que la soie d’araignée est constituée de protéines alors on a réalisé le test de Biuret :
On a utilisé alors quelques gouttes de l’hydroxyde de sodium mieux connu comme la soude et quelques gouttes de sulfate de cuivre. Pour prouver qu’une substance contient de la protéine lors de l’ajout de ces deux entités chimiques, la substance en question devient bleue foncé ou violet, sinon elle ne changera pas de couleur et sera toujours bleu claire. Vous pouvez voir notre manipulation et ses résultats dans la fenêtre ci-dessous. Cliquez en bas à droite du vidéo « voir sur youtube » pour voir en grand.
Les résultats ont été satisfaisants puisqu’on a pu démontrer que la toile d’araignée contient des protéines. (Comme vous pouvez voir sur la vidéo à droite.)
La composition de la soie est la suivante :
-
14% de matières grasses et minérales
-
22,5% de séricine, une protéine qui est à l’origine de sa coloration
-
63,5% de fibroïne, aussi connue comme spidroïne, une protéine qui est à l’origine de la structure et la qualité du fil comme nous étudierons maintenant.
À cause de sa constitution essentiellement protéinique la soie d'araignée n'est pas rejetée par le corps humain respectant ainsi une des conditions requises par le filet chirurgical idéal.
La soie contient donc, essentiellement des fibroïnes, c’est-à-dire des protéines structurantes pareilles au collagène et à la kératine. Les acides aminés contenus dans la fibroïne sont d’alanine et de la glycine.

Formule semi-développée des acides aminés : glycine et alanine
C’est ici que selon les acides aminés, les différentes structures vues avant apparaissent :
-Les zones riches en glycine optent pour une forme en hélice et sont appelées des régions amorphes
-Les zones riches en alanine se lient grâce aux liaisons hydrogènes crées aux fusules et adoptent une structure en feuillets qu’on peut appeler région cristalline puisqu’elles ont une structure très organisées
-Les zones semi-cristallines c’est-à-dire qui sont moins ordonnés sont celles qui permettent la connexion des régions cristallines et des amorphes.
La cohabition entre ces deux régions va être à l’origine des propriétés de résistance et d’élasticité qui caractérisent le fils.
La grande résistance est l’attribut des régions cristallines puisque c’est les liaisons hydrogènes qui unissent les différentes molécules ce qui assure une grande stabilité.
Et l’élasticité est reliée aux régions amorphes puisque sous l’effet de contraintes, les enchaînements d’acides aminés non organisés se détendent et le retour à l’état initial après la déformation se fait grâce à la présence de la structure en feuillets cette propriété est l’auto-mémoire de forme. (Vous pouvez vous rapporter au schéma au-dessus)
Les régions cristallines permettent d’expliquer aussi l’insolubilité de la soie d’araignée dans l’eau puisque elles contiennent de nombreuses liaisons hydrogènes qui sont très hydrophobes car les liaisons sont déjà prises.
Cependant, la composition de la soie n’est pas le seul facteur duquel dépend la résistance puisque la structure de la toile est aussi un facteur important car elle comprend la distribution des forces.
Elles sont de petite taille c’est-a-dire qu’elles n’ont pas des gros groupements carbonés sur les côtés ce qui fait qu’elles soient de facile compactage et cristallisation.
Lors de la sécrétion du fil, le fluide de base est une solution aqueuse concentrée en fibroïnes qui sont désordonnées. On dit alors que ce fluide est un liquide cristallin.
En sortie de la glande sécrétoire, le liquide passe par des fusules (des tubes très fins) où ces protéines s’alignent, des liaisons hydrogènes sont formées et le pH du liquide chute. Tout ce processus entraîne une cristallisation partielle de la solution en question.

Vue au microscope des fusules sécrétant des fibrilles de soie.